La capitale mondiale du chiisme, siège de la tombe de l’Imam Ali, successeur et gendre du prophète, renouvelle son conseil municipal le 18 décembre prochain. Composé de 15 membres, il est en charge des intérêts d’une ville au centre d’une agglomération de plus d’un million d’habitants.
Si le seuil électoral n’est pas encore défini, la direction de la ville relève d’un enjeu géopolitique au regard du statut exceptionnel de la ville pour le monde chiite. Volontiers quiétiste, la ville est depuis deux décennies investie par l’influence iranienne conservatrice.
Pourtant, la société change et une nouvelle génération de militants et militantes voit le jour. Exemple avec Zainab Yousif, activiste et candidate au conseil municipal.
Entretien traduit de l’arabe – Propos recueillis par Morgan Railane
Aletheia Press – Vous êtes une jeune femme et vous vous présentez aux élections municipales dans une ville réputée être conservatrice. Pourquoi ?
Zainab Yousif – La femme joue un rôle important et grandissant dans notre société. Le nombre des femmes impliquées dans la gestion de la société et dans les affaires est en augmentation depuis 2003. La ville de Najaf est caractérisée par sa tolérance dans ce domaine. Moi-même, je suis une femme d’affaires et active dans le domaine de droit de l’homme.
Aletheia Press – Quelles sont les principales thématiques qui vous semblent importantes à traiter dans cette campagne électorale ?
Zainab Yousif – Trouver des opportunités de travail pour les jeunes et spécialement les femmes. Faciliter les conditions pour l’installation des petits commerces en respectant les normes de travail et les exigences de sécurité pour dynamiser l’économie. Plus précisément : aider cette tranche de population à avoir des crédits pour leurs projets. Aider les personnes à mobilités réduit à réaliser des projets adaptés à leurs capacités. Également, lutter contre le harcèlement dans le milieu de travail… ce sujet me préoccupe beaucoup.
“L’installation de cette démocratie est difficile mais pas impossible.”
Aletheia Press – L’Irak n’est malheureusement pas un pays stable démocratiquement. Le pays a vécu des débuts de révolutions, mais le système des partis-milices est resté en place. Comment analysez-vous cette situation ?
Zainab Yousif – Oui la démocratie est une expérience nouvellement installée en Irak. Il faut des mutations profondes pour arriver à une forme convenable et une stabilité. Jusqu’à présent, l’installation de cette démocratie est difficile mais pas impossible. Les défis sont nombreux mais les plus grands auxquels il faut faire face, ce sont la présence des milices armées et l’exploitation des sentiments religieux à des fins politiques.
Aletheia Press – Najaf est la capitale mondiale du chiisme. Le poids du religieux a poussé plusieurs fois le système politique à répondre au peuple. Reste t-il utile à la démocratie en Irak ? Plus généralement, quelle doit être la place du religieux dans un pays démocratique qui est une société islamique et qui fut une nation laïque sous le Baath’ ?
Zainab Yousif – Oui le rôle des religieux est important dans la société et le marjayeh est influent. Ses interventions sont sages et positives. Je ne trouve pas de contradiction entre l’islam comme religion et la démocratie comme régime politique à condition de bien gérer les affaires de l’état et respecter les espaces de compétence de chaque organe de la société. Généralement, on ne peut pas considérer que l’Irak vit une vraie démocratie. Il y a trop de désordre, de corruption et d’erreurs.
“Je n’ai pas d’adversaires mais des gens
avec des points de vue différents”
Aletheia Press – En une décennie, Najaf a profondément changé. La ville s’étend et se modernise. Est-ce cette voie qu’il faut suivre ?
Zainab Yousif – Cette question est très importante. La société se développe très vite. Najaf est une ville vivante qui s’adapte aux mutations. Il faut adapter le système d’éducation en fonction des besoins et défis de la société. La société actuelle est ouverte et le passage vers la modernité est obligatoire, mais notre rôle en tant que militants consiste à accompagner ce passage pour le bien de la société.
Aletheia Press – Qui sont vos soutiens ? Qui sont vos adversaires ? Quels peuvent être vos alliés ? De quels moyens disposez vous pour faire campagne ?
Zainab Yousif – Mes soutiens sont les jeunes et autres personnes qui voient en moi la clarté de parole, l’énergie et la modération. Je n’ai pas d’adversaires mais des gens qui ont des points de vue différents que les miens et je trouve que cette diversité est bénéfique pour la bonne santé de notre processus démocratique. Mes moyens pour la campagne électorale sont très limités. Je compte sur moi-même. Mon moral et mon courage sont mes atouts.
Aletheia Press – Quel est votre objectif en terme de résultat ?
Zainab Yousif – Réaliser un score me permettant d’accéder à mon poste de conseillère municipale pour réaliser les objectifs des gens qui m’ont fait confiance.
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