Dans cette enquête, un nom est revenu à maintes reprise. En off. Celui d’Alain Testa. Le directeur actuel de l’ASTV est un personnage récurrent dans l’historie de la chaîne. « Ca a toujours été compliqué avec Alain. Dés les années 80 quand je suis arrivé, il était là. Totalement dévoué à Damien Careme. L’ASTV était dans les sous-sols de la mairie » raconte d’emblée un salarié. Alain Testa est alors un jeune synthois qui sort d’un lycée professionnel avec un CAP de mécanicien automobile en poche. Sa mère est conseillère municipale de la majorité depuis 1971 ; elle fait partie de l’équipe qui prend la ville à la droite. Son fils arrive à l’ASTV dans une structure qui prend son envol sous les meilleurs auspices. Il s’initie au métier et s’investit plus avant lors du départ de Patrice Vermeersh (Cf. Épisode 2 De vieilles histoires de famille). En 1995, il est rédacteur en chef de l’ASTV. Il présente les émissions et tourne peu.
Sa disgrâce d’après municipales de 2001 auprès de Damien Careme ne dure pas : Alain Testa monte d’un cran : il est directeur de l’ASTV. Un salarié s’en étonne : « J’ai dit à Damien : c’est quoi ce délire avec l’embauche de Testa ? Il m’a répondu : « Ne t’inquiète pas, il ne te fera rien » ». Un autre surenchérit : « On a été forcément étonné au départ quand Alain est revenu car il avait fait la campagne de Demarthe contre Damien Carême ». Salima Chabab, conseillère municipale d’opposition et ex-adjointe de Damien Careme commente : « Après les élections, il est allé voir Damien pour pleurer pour ce poste. C’est familial, affectif, c’est le fils de Léone… ».
« Pour plein de choses, il n’est pas chiant, Alain »
Le portrait que dresse l’un de ses salariés est édifiant : « Testa est tout sauf un manager même s’il a évolué avec les départs. 4 personnes qui partent en peu de temps, ça veut dire des choses. Avec Testa, t’es pas écouté, t’as pas voix au chapitre même si ça a l’air de changer en ce moment. Il distribue les cartes, il est a-social, n’écoute pas, croit qu’il sait tout. C’est des comportements, des attitudes, les portes qui claquent. Il s’enferme dans son bureau. Il a une défiance totale envers les salariés ». Un autre philosophe : « moi j’ai toujours connu l’ASTV avec des problèmes… Différents selon les époques. On a un bureau qui ne connaît rien de notre métier et qui est là tout le temps. Et des directeurs parfois consensuels ou épidermiques ».
Un autre encore tempère : « Mais pour plein de choses, il est pas chiant Alain. Quand t’as un rendez-vous médical, des gosses à aller chercher, sur ton temps de travail. Il a des cotés paradoxaux où il prend en compte les choses. Il sait être humain parfois ». Tous les salariés ne sont pas totalement sévères à l’égard de leur bien-être à l’ASTV. La seule qui n’a pas demandé le « off » est Emmanuelle Depecker qui ne sera pas prolixe : « je n’ai rien à dire sur l’ASTV. A part que je m’y sens bien ».
Un communicant théorique
De son coté, le rapport d’audit sur l’ASTV apporte une note piquante à l’endroit de la direction opérationnelle. On comprend en page 11 que la communication n’est pas la qualité première d’Alain Testa (pourtant par ailleurs intervenant à l’Institut Supérieur de Communication) et du bureau. En effet, plus de la moitié des salariés sont contrariés ou ne se satisfont pas de multiples points relatifs à la communication : « évolution de l’association et du secteur, communication entre les différents services, informations sur l’établissement, ou sur les projets ». Ce chapitre est sans appel pour la direction : « une communication dégradée au sein de l’ASTV et entre la direction les équipes », « une communication interne essentiellement réalisée par des notes de services ». Plus loin, le rapport indique même que 22 % des salariés ont un problème avec la direction : « reconnaissance du travail par ma hiérarchie, qualité des relations avec la hiérarchie, soutien reçu par mon encadrement, respect que je dois à mon supérieur hiérarchique ». Tout y passe.
Un bureau dans le déni
Derrière le directeur, le bureau de l’association reste « très présent » selon la quasi totalité des salariés.
« Les associations qui siègent sont toujours les mêmes, avec les mêmes cadres ». Comme ailleurs, le renouvellement des cadres associatifs n’est plus une évidence. Le Président Roger Carpentier, reconduit en novembre dernier pour la quatrième fois de suite, est un « ancien d’Usinor » comme on dit à Grande-Synthe. ll dirige l’association d’Aquariophilie dans des locaux situés dans une ancienne école primaire. « Ces gens là n’ont aucune vision, ils ne connaissent rien à la télé ou aux médias, se plaint un salarié. Ils viennent tous les jours en fin de matinée, ils nous parlent tout le temps de la pluie et du beau temps. Ils font de la politique à l’ASTV. Carpentier a fait campagne pour Dany Wallyn (candidat PC aux municipales). Amar Brahimi, qui est au bureau (vice-président de l’ASTV et président de l’OGS Judo, ndlr) a fait campagne pour Martial. Ils mélangent tout ! »
Pourtant au sein du bureau, on se voile la face. « L’ASTV marche bien ; les journalistes, c’est impeccable. On a eu quelques ennuis avec des arrêts-maladies très longs. Ça arrive dans n’importe quelle entreprise », résume Roger Carpentier, que nous avons réussi à joindre après bien des tentatives. « Y a t-il eu souffrance de certains salariés ? », questionne t-on. « Tous ces problèmes sont réglés. On a fait un tas d’enquêtes. Les médecins du travail… si on écoute tout ce que disent les gens… Si quelqu’un dit harcèlement, c’est parole contre parole. Si quelqu’un est malade, vous ne saurez jamais ce qu’il a ! ». Que pensez vous des remarques de la médecine et de l’inspection du travail ? « A part des armoires dont les salariés n’ont jamais voulu, il n’y a rien… ». Et de conclure avant de raccrocher : « Vous ne m’intéressez pas monsieur ! ».
Ne rien changer ?
A la mairie, poumon financier de l’ASTV, on observe sans agir. Nous n’avons pu échanger qu’avec l’un de ses collaborateurs de cabinet que l’on a questionné : l’ASTV n’est-elle pas en train de « pourrir » sur place ?
« C’est exactement ça, répond-il. Mais on ne peut pas faire d’ingérence. Ce n’est pas notre rôle… »
Dans ses conclusions, l’étude résume l’aperçu des problèmes profonds de la télévision de Grande-Synthe :
« les changements et projets déployés au sein de la structure ne sont pas partagés. La mise en œuvre est descendante. Le climat régnant au sein de la structure génère un sentiment d’incertitude et la crainte pour les salariés de s’exprimer librement sur les difficultés rencontrées au travail sans crainte pour leur avenir professionnel ». Pourtant, lors de sa dernière assemblée générale de novembre 2021, les adhérents de l’ASTV ont reconduit la même direction…
Une chaîne à budget assuré
Depuis son origine, la question des moyens affectés à l’ASTV n’a pas constitué un problème. Dans les années 80, l’équipement coûte très cher : plusieurs centaines de milliers de francs sont investis dans des caméras, des bancs de montage. A l’époque, le matériel pèse des tonnes… Le personnel va crescendo et dépasse la vingtaine dans les années 90. Ces dernières années, la mairie est resté le pourvoyeur quasi exclusif du fonctionnement de la chaîne. En 2017, elle lui donnait 513 700 euros. A l’époque, une douzaine de salariés font tourner la télé. En 2018, la ville augmente encore son soutien avec 555 000 euros ,puis 535 00 euros en 2019 et 534 545 euros en 2020. Tous les ans, l’ASTV dégage un léger bénéfice. Fin 2020, l’ASTV affiche un résultat net de 30 012 euros. Et prés de 200 000 euros de trésorerie ! De quoi voir venir…
Note de la rédaction : Pour l’heure, certains acteurs de ce dossier n’ont pas donné suite à nos sollicitations. C’est le cas de Martial Beyaert, l’actuel maire de Grande-Synthe, de Damien Careme, ancien maire de Grande-Synthe et ex-rédacteur en chef de la télé locale, et d’Alain Testa, directeur de l’association ASTV.