« Les allergènes, qui ne sont pas des microorganismes, contrairement aux agents pathogènes, ne peuvent pas être neutralisés par des produits » explique Sawsen Dehaine, ingénieure au sein du pôle sécurité alimentaire d’Actalia. Ainsi, ils sont difficilement éliminés lors des processus de nettoyage et peuvent conduire à des contaminations croisées au sein des ateliers de transformation. Une problématique forte pour la filière halieutique (voir encadré). « Plus de 10 % des cas anaphylactiques sévères recensés dans une étude menée entre 2002 et 2017 ont été déclenchés par l’ingestion de poissons, de crustacés ou de mollusques » illustre la jeune femme.
Une dissémination possible
La maîtrise des allergènes est complexe. « Dans certains cas, une cuisson, une pasteurisation peuvent renforcer l’allergénicité d’un aliment. Et, au contraire, dans d’autres cas, elles la diminuent » précise l’ingénieure. S’y ajoutent certaines imprécisions concernant la réglementation régissant les obligations d’information des 14 aliments définis comme allergènes (exceptés pour le gluten et le sulfite, il n’existe pas de seuils réglementaires concernant l’étiquetage).
« Les professionnels s’interrogent donc sur les bonnes pratiques à mettre en place lors du nettoyage et la façon d’évaluer l’efficacité des process » constate Sawsen Dehaine. C’est pourquoi, « Dans le cadre du projet Cleaner, soutenu par France Filière pêche, nous avons travaillé avec Actalia un an sur le sujet » explique Harmonie Tellier, chargée de mission au sein du Pôle Aquimer, basé à Boulogne-sur-Mer. Les résultats de cette étude sur l’efficacité des méthodes de nettoyage pour l’élimination des allergènes de poisson, d’un budget de 43 500 euros, ont été présentés lors d’un webinaire, ce 20 septembre dernier.
L’idéal est, bien entendu, de séparer les ingrédients avec et sans allergène et les processus de fabrication. « Ce qui n’est pas toujours possible, reconnaît Sawsen Dehaine. Il faut alors avoir un nettoyage adapté ». Ce qui s’avère complexe. Ainsi en est-il pour le prélavage qui sert à nettoyer les souillures dites « macro » : écailles de poisson, entailles de crevettes… « Cette phase est généralement effectuée à l’eau froide, à haute pression, supérieure à 40 bar » note Sawsen Dehaine. Les expérimentations menées ont démontré la possibilité d’une dissémination. « Lors du nettoyage d’une table avec une pression de 46 bar, on retrouve des allergènes à hauteur de la zone contaminée dans un rayon d’un mètre. Si on diminue la pression à 25 bar, le rayon de dissémination est plutôt autour de 50 cm ».
Détergence et contrôle
S’il ne s’agit pas de bannir la haute pression, il apparaît essentiel de prendre en compte ces résultats. « Il faut anticiper cette problématique dans la préparation du nettoyage en phasant correctement les opérations pour éviter les contaminations croisées. On va, par exemple, éviter de nettoyer une table très sale avec de la haute pression, à côté d’une table propre qui doit servir à découper d’autres produits. On peut proposer de protéger ou de déplacer les équipements… » explique la jeune femme.
Mais le projet Cleaner est allé plus loin. Il s’est également intéressé à l’étape de détergence (élimination des souillures organiques : protéines, sucre, gras…), à l’influence éventuelle de la présence de graisse ou encore aux différences de résultats induites selon la nature des matériaux nettoyés et leur configuration géométrique. « En cas de doute, il est important de contrôler la présence d’allergène sur une surface avant la production d’aliments sans allergène » rebondit la jeune femme. Un contrôle qui doit également être pensé pour que les résultats soient le plus fiable possible.
Le projet Cleaner apporte plusieurs informations essentielles aux entreprises, qui donneront lieu à des fiches pratiques disponibles dans les prochaines semaines. Mais les questions demeurent encore. Il apparaît également indispensable que des seuils réglementaires concernant l’affichage des allergènes soient clairement définis.